Promesse ou mirage ? Les IA génératives au défi de l’orientation de la GenZ
Alors que la déferlante des GenIA (IA génératives) impacte tous les domaines, le secteur de l’accompagnement à l’orientation n’échappe pas à cette lame de fond. La question n’est plus tant de savoir si ces GenIA vont transformer l’orientation des jeunes dans leur quête de formations et de métiers innovants dans un monde du travail en pleine recomposition, mais bien comment et dans quelles mesures elles y parviennent déjà, voire y parviendront toujours mieux.
En partenariat avec Morgan Marietti, Président Associé de l’organisme de formation Proactive Academy, qui depuis deux ans, développe une expertise sur l’IA, nous nous sommes livrés à un exercice expérimental interrogeant les promesses et les limites des GenIA appliqué au domaine de l’orientation.
Avec leur capacité à traiter d’énormes volumes de données en temps réel, les GenIA suscitent de nombreux espoirs. Rapides, polyvalentes et dotées d’un potentiel de personnalisation, elles semblent pouvoir répondre à des besoins aussi variés qu’exigeants.
Mais peuvent-elles réellement offrir des conseils sur mesure, adaptés aux aspirations individuelles de la GenZ tout en prenant en compte les formations innovantes et les métiers du futur ? Sont-elles destinées à produire des recommandations uniformes et biaisées par des modèles algorithmiques majoritairement entraînés sur des bases de données anglo-saxonnes ? En filigrane, qu’en est-il de la performance des GenIA sur les choix d’orientation de la GenZ française en l’absence de modèles de langage souverains ?. Sont-elles synonyme d’uniformisation et déconnectées des contextes culturels, des singularités individuelles voire même des localisations géographiques ?
Mais peuvent-elles réellement offrir des conseils sur mesure, adaptés aux aspirations individuelles de la GenZ tout en prenant en compte les formations innovantes et les métiers du futur ? Sont-elles destinées à produire des recommandations uniformes et biaisées par des modèles algorithmiques majoritairement entraînés sur des bases de données anglo-saxonnes ? En filigrane, qu’en est-il de la performance des GenIA sur les choix d’orientation de la GenZ française en l’absence de modèles de langage souverains ?. Sont-elles synonyme d’uniformisation et déconnectées des contextes culturels, des singularités individuelles voire même des localisations géographiques ?
Quelle est en définitive leur efficacité réelle et sont-elles le signe annonciateur de la disparition des conseillers d’orientation ou au contraire le catalyseur d’une évolution de ce métier ?
Grâce à une étude, nous avons exploré l’ensemble de ces interrogations.
Trois GenIA ont été mises à l'épreuve : ChatGPT (OpenAI), Google Gemini Pro et Claude AI (Anthropic). L'objectif était d'évaluer leur capacité à accompagner des jeunes de 16 à 25 ans dans leur orientation, en croisant plusieurs paramètres. Grâce à une méthodologie croisant à la fois la définition de scénarios, le choix de filières particulièrement plébiscitées par les jeunes ainsi que des modalités des IA génératives retenues ainsi que du niveau d'interaction avec elles, nous sommes parvenus à des résultats intéressants.
Trois GenIA ont été mises à l'épreuve : ChatGPT (OpenAI), Google Gemini Pro et Claude AI (Anthropic). L'objectif était d'évaluer leur capacité à accompagner des jeunes de 16 à 25 ans dans leur orientation, en croisant plusieurs paramètres. Grâce à une méthodologie croisant à la fois la définition de scénarios, le choix de filières particulièrement plébiscitées par les jeunes ainsi que des modalités des IA génératives retenues ainsi que du niveau d'interaction avec elles, nous sommes parvenus à des résultats intéressants.
Ceux-ci ne sont cependant que le reflet d’une photographie à un instant T des GenIA, leur sophistication exponentielle étant susceptible d’apporter certains correctifs à nos résultats voire même à en invalider la portée dans les mois à venir.
D’un point de vue méthodologique, nous avons défini des scénarios en intégrant trois filières, celles les plus plébiscitées par les jeunes en appui des statistiques 2023-2024 de la Sous-Direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) du MESR, à savoir par ordre décroissant, les études de santé, les sciences pour l’ingénieur et le droit.
Nous avons soumis nos requêtes à trois GenIA : ChatGPT (OpenAI) ; Google Gemini Pro et Claude AI (Anthropic) et circonscrit également les modalités de l’IA : soit des plateformes grand public gratuites qui permettent d’interagir avec le modèle existant comme ChatGPT, soit des IA autonomes (GPT) configurées mais payantes pour accomplir une tâche précise. L’intérêt de recourir à des IA autonomes présente l’avantage de s’appuyer sur des bases de données spécialisées en orientation, telles que les référentiels de l’ONISEP, les études sociologiques sur les aspirations de la GenZ, les exemples de parcours innovants, ainsi que les tendances du marché de l’emploi.
Dans nos scénarios, nous avons également intégré un paramètre crucial : la profondeur du prompt. Le choix entre une requête vague ou détaillée influe directement sur la qualité des réponses et sur le niveau d'interaction avec les GenIA testées.
Dans nos scénarios, nous avons également intégré un paramètre crucial : la profondeur du prompt. Le choix entre une requête vague ou détaillée influe directement sur la qualité des réponses et sur le niveau d'interaction avec les GenIA testées.
Deux approches se distinguent : un échange basique de type question/réponse ou une interaction conversationnelle plus poussée, où l’IA interroge l’utilisateur pour clarifier et approfondir sa demande. Par exemple, face à une question comme « Quels métiers sont faits pour moi ? », l’IA peut demander des précisions sur les centres d’intérêt, les compétences, les études ou les expériences passées. Cette méthode, particulièrement efficace dans des situations complexes, permet de fournir des recommandations véritablement personnalisées lorsque les besoins initiaux manquent de clarté.
Cette expérimentation a permis de tirer plusieurs enseignements.
Tout d’abord, la précision des prompts joue un rôle clé dans la qualité des réponses. Des prompts détaillés, enrichis d’éléments contextuels sur les aspirations personnelles et les valeurs, génèrent des recommandations plus pertinentes et nuancées.
Nous avons noté également une nette supériorité de ChatGPT dans la qualité des réponses et une qualité des résultats avec les IA autonomes payantes comparables aux versions gratuites. Cependant, il est important de souligner un biais : sur les 10 premières requêtes, ChatGPT fonctionne de manière similaire à un modèle payant, ce qui peut fausser l'évaluation, car ses performances sont optimisées au-delà des capacités d'une version classique gratuite.
Nous avons noté également une nette supériorité de ChatGPT dans la qualité des réponses et une qualité des résultats avec les IA autonomes payantes comparables aux versions gratuites. Cependant, il est important de souligner un biais : sur les 10 premières requêtes, ChatGPT fonctionne de manière similaire à un modèle payant, ce qui peut fausser l'évaluation, car ses performances sont optimisées au-delà des capacités d'une version classique gratuite.
S’agissant de la comparaison entre GenIA, ChatGPT se distingue par la qualité et la personnalisation de ses réponses. Il offre des conseils précis et diversifiés, allant des parcours d’excellence aux formations professionnalisantes, et montre une aptitude à récupérer des informations mises à jour via sa version gratuite. Claude AI se classe en deuxième position. Bien que ses réponses soient moins précises que celles de ChatGPT, il excelle dans l’organisation et la classification des informations, facilitant une vue d’ensemble des parcours possibles. Google Gemini arrive en dernier, étant limité par une instabilité des réponses et des informations parfois obsolètes. Son utilisation nécessite une vérification systématique des données fournies.
Sur le potentiel des IA autonomes configurées à partir de modèles génératifs comme ChatGPT, elles montrent un potentiel prometteur pour simplifier l'expérience utilisateur, notamment pour ceux qui ne maîtrisent pas l’ingénierie de requête (prompt engineering). Cependant, leur efficacité est comparable à celle des requêtes classiques bien rédigées.
Sur le potentiel des IA autonomes configurées à partir de modèles génératifs comme ChatGPT, elles montrent un potentiel prometteur pour simplifier l'expérience utilisateur, notamment pour ceux qui ne maîtrisent pas l’ingénierie de requête (prompt engineering). Cependant, leur efficacité est comparable à celle des requêtes classiques bien rédigées.
Un autre point saillant de cette expérimentation réside dans la capacité des GenIA à s’adapter aux spécificités géographiques. Ces outils sont capables de recommander des parcours localisés, suggérant par exemple des établissements proches pour des lycéens de Charente-Maritime, tout en intégrant des filières innovantes en phase avec les priorités des jeunes, telles que les métiers du développement durable ou des nouvelles technologies. Plus impressionnant encore, les GenIA démontrent une aptitude remarquable à identifier des diplômes émergents liés aux métiers du futur, en offrant des recommandations exhaustives et d’une précision saisissante, anticipant ainsi les grandes transformations du marché du travail.
En conclusion, l’ensemble des paramètres considérés démontre que les GenIA sont à l’évidence des outils complémentaires à un accompagnement humain, incarné et personnalisé. Toutefois, leur accès différencié – entre versions gratuites et payantes – soulève des questions d'équité. La généralisation à long terme des modèles payants sur l’ensemble des GenIA risque de créer des inégalités dans l'accès à des recommandations personnalisées et de fait une orientation asymétrique.
En conclusion, l’ensemble des paramètres considérés démontre que les GenIA sont à l’évidence des outils complémentaires à un accompagnement humain, incarné et personnalisé. Toutefois, leur accès différencié – entre versions gratuites et payantes – soulève des questions d'équité. La généralisation à long terme des modèles payants sur l’ensemble des GenIA risque de créer des inégalités dans l'accès à des recommandations personnalisées et de fait une orientation asymétrique.
Car à l’avenir, l’enjeu des fournisseurs des GenIA, motivés par une logique de rentabilité, est bien de limiter l’accès aux réponses les plus personnalisées et pertinentes aux seules versions payantes de leurs modèles. Cela représentera un obstacle de taille pour les jeunes lycéens, en particulier ceux qui n’ont pas de soutien financier pour accéder à ces services premium.
Par ailleurs, le risque à court terme du remplacement des conseillers d’orientation par les GenIA semble peu probable même s’il est évident que les conseillers d’orientation qui ne maîtriseront pas l’utilisation de ces outils risquent de se voir dépassés par des professionnels mieux formés.
Cette observation s’applique d’ailleurs à de nombreux secteurs d’activité.
À long terme, l’adoption massive des GenIA par les générations Z et Alpha nécessitera donc une formation renforcée des professionnels de l’orientation, afin de maximiser leur valeur-ajoutée.
À long terme, l’adoption massive des GenIA par les générations Z et Alpha nécessitera donc une formation renforcée des professionnels de l’orientation, afin de maximiser leur valeur-ajoutée.
A l’évidence, les GenIA redessinent le paysage de l’orientation, mais leur véritable valeur réside dans un modèle hybride où elles complètent l’expertise humaine sans la remplacer.
Ni solution miracle ni simple effet de mode, les GenIA redéfinissent les pratiques et imposent deux impératifs : une utilisation professionnelle maîtrisée et le développement de modèles algorithmiques souverains. Leur rôle n'est pas de faire fi de l'humain, mais au contraire de l'accompagner, de le stimuler en suscitant des scénarios, des pistes de réflexion, bref en challengeant ses capacités de créativité.
Ni solution miracle ni simple effet de mode, les GenIA redéfinissent les pratiques et imposent deux impératifs : une utilisation professionnelle maîtrisée et le développement de modèles algorithmiques souverains. Leur rôle n'est pas de faire fi de l'humain, mais au contraire de l'accompagner, de le stimuler en suscitant des scénarios, des pistes de réflexion, bref en challengeant ses capacités de créativité.
L’enjeu pour l’orientation au 21ème siècle est donc d’intégrer ces outils comme aides à la décision (un des premiers concepts de l’informatique) et de les appréhender comme catalyseurs de réflexion, au service d’une orientation plus personnalisée adaptée aux défis multifactoriels du XXIème siècle. Parmi ceux-ci une mutation sans précédent du champ de l’enseignement supérieur, l’essor de nouvelles formations encore impensables il y a quelques années et des transitions industrielles, environnementales et digitales dignes d’une révolution copernicienne.