Emplois de demain : IA génératives versus créativité et capital humain
Depuis 2023, l’usage de l’intelligence artificielle, notamment les IA génératives comme ChatGPT, a connu une accélération sans précédent. Si à l’évidence, l’ensemble des IA génératives aujourd’hui disponibles, représente une révolution technologique majeure comparable à celle d’Internet dans les années 1980, elles cristallisent promesses et craintes.
Elles impliquent une réflexion approfondie sur leur utilisation et leur régulation et réactivent le vieux mythe platonicien du « pharmakon », la technique étant à la fois remède et poison, génératrice d’avancées majeures pour notre société comme annonciatrice de dangers potentiels voire irréversibles. »
Elles impliquent une réflexion approfondie sur leur utilisation et leur régulation et réactivent le vieux mythe platonicien du « pharmakon », la technique étant à la fois remède et poison, génératrice d’avancées majeures pour notre société comme annonciatrice de dangers potentiels voire irréversibles. »
Pour les thuriféraires des IA génératives, celles-ci sont l’assurance de multiples avancées au bénéfice de la société : productivité accrue dans le monde du travail grâce à l’automatisation des tâches répétitives, innovation dopée avec des progrès colossaux en R&D dans les domaines de la médecine prédictive, des biomatériaux ou encore avènement d’un nouveau paradigme éducatif avec la généralisation de tuteurs virtuels et la personnalisation de contenus éducatifs pour des expériences d’apprentissage plus efficaces et engageantes.
Cependant pour ses détracteurs l’essor des IA génératives est une source de préoccupations pour les emplois de demain. »
Cependant pour ses détracteurs l’essor des IA génératives est une source de préoccupations pour les emplois de demain. »
Une étude de 2024 de Goldman Sachs prévoit que 300 millions d’emplois pourraient être menacés par l’automatisation d’ici 2030. On nous annonçait, dès 2023, que l’impact des IA génératives concernerait majoritairement « les cols bleus » par opposition aux « les cols blancs » qui eux seraient épargnés. Dans le viseur des IA génératives, une large gamme de tâches répétitives dans les secteurs industriels, prises en charge par des robots intelligents. Même constat dans les transports avec l’arrivée des véhicules autonomes développés par des entreprises comme Tesla. Par conséquent, dans l’industrie, la fabrication et la production, déjà largement automatisées, continueront d’enregistrer des gains d’efficacité grâce à des robots de plus en plus sophistiqués, laissant bon nombre de travailleurs sur le bord de la route.
Mais les intelligences artificielles génératives transforment également en profondeur les emplois de cols blancs. En automatisant des tâches intellectuelles et administratives, ces technologies modifient la nature de nombreux métiers à haute compétence cognitive. Dans le secteur financier, les logiciels d'IA sont désormais capables d'analyser des données complexes, de générer des rapports précis et même de fournir des conseils fiscaux pertinents. Cela réduit considérablement le besoin en comptables pour des tâches répétitives et prévisibles, permettant aux entreprises de rationaliser leurs opérations et de reventiler les compétences humaines sur des tâches plus stratégiques. Dans le domaine du service client, l’essor d'assistants virtuels (chatbots) impacte le recours à des agents de support client humains permettant aux entreprises de gagner en efficacité opérationnelle et de réduire les coûts salariaux. Les professions de rédacteurs, d'avocats, de journalistes et de programmeurs ne sont pas en reste face à cette vague d'automatisation puisque les outils d'IA générative peuvent produire du contenu écrit de haute qualité, analyser des documents juridiques pour identifier des clauses importantes ou générer des insights basés sur des données complexes.
Mais les intelligences artificielles génératives transforment également en profondeur les emplois de cols blancs. En automatisant des tâches intellectuelles et administratives, ces technologies modifient la nature de nombreux métiers à haute compétence cognitive. Dans le secteur financier, les logiciels d'IA sont désormais capables d'analyser des données complexes, de générer des rapports précis et même de fournir des conseils fiscaux pertinents. Cela réduit considérablement le besoin en comptables pour des tâches répétitives et prévisibles, permettant aux entreprises de rationaliser leurs opérations et de reventiler les compétences humaines sur des tâches plus stratégiques. Dans le domaine du service client, l’essor d'assistants virtuels (chatbots) impacte le recours à des agents de support client humains permettant aux entreprises de gagner en efficacité opérationnelle et de réduire les coûts salariaux. Les professions de rédacteurs, d'avocats, de journalistes et de programmeurs ne sont pas en reste face à cette vague d'automatisation puisque les outils d'IA générative peuvent produire du contenu écrit de haute qualité, analyser des documents juridiques pour identifier des clauses importantes ou générer des insights basés sur des données complexes.
Force est de constater que les IA génératives bouleversent des pans entiers de l’économie et soulèvent des questions cruciales sur l’avenir du travail en mettant en péril de nombreux emplois. Cette révolution nécessitera plus que jamais la généralisation de politiques de formation initiale et continue en IA pour permettre à chacun la mise à jour de ses compétences dans un marché du travail en rapide évolution.
Mais alors quels seront les métiers amenés à perdurer à l’heure où 70 % des emplois dans les économies développées pourraient être automatisés d’ici 2045 ? Si l’IA faible engrange de spectaculaires performances avec l’apprentissage profond (deep learning) dans les domaines de la reconnaissance faciale et vocale ou encore l’étiquetage d’images, l’IA forte (ou IA générale), celle dotée de conscience et capable d’émotion en est encore à ses balbutiements. Même si certains rêvent de reproduire les performances du cerveau humain dans les machines ou nous promettent la vie éternelle avec le transhumanisme, fait est que l’IA générale se heurte encore à des obstacles de taille, notamment en matière d’émotion, de créativité et de prise de décision consciente. Si de nombreux métiers aux tâches répétitives sont désormais pris en charge par des robots, des études démontrent que les professions impliquant des interactions humaines, des compétences relationnelles, de l’empathie ainsi que de l’encadrement et de la prise de décision ne seront pas automatisables.
Professionnels de santé et du bâtiment, travailleurs sociaux, commerciaux, jardiniers, éducateurs de la petite enfance, chefs cuisiniers ont encore de beaux jours devant eux : ces derniers demeureront essentiels pour leur savoir-faire, leur empathie et leur aptitude à prendre des décisions cruciales en fonction de situations individuelles complexes. Même constat pour les artisans et les métiers créatifs, promis eux aussi à un bel avenir, en particulier les métiers d’art où l’intelligence émotionnelle et celle de la main ne sont pas substituables par un algorithme, si puissant soit-il.
D’ores et déjà en 2018, le rapport Villani « Donner un sens à l’intelligence artificielle : Pour une stratégie nationale et européenne » enfonçait le clou : « S’il ne fallait retenir qu’une seule compétence matricielle dans un monde en perpétuelle évolution, ce serait la créativité, cette capacité de l’homme à établir des liens entre des réalités qui n’ont, a priori, aucun rapport entre elles. »
D’ores et déjà en 2018, le rapport Villani « Donner un sens à l’intelligence artificielle : Pour une stratégie nationale et européenne » enfonçait le clou : « S’il ne fallait retenir qu’une seule compétence matricielle dans un monde en perpétuelle évolution, ce serait la créativité, cette capacité de l’homme à établir des liens entre des réalités qui n’ont, a priori, aucun rapport entre elles. »
D’où les « 4C », acronyme en anglais de créativité, esprit critique, communication et coopération que nombre de gouvernements, universités et organisations internationales appellent aujourd’hui à développer.
Du côté du monde de l’enseignement supérieur, les décideurs ont pris la mesure des bouleversements de l’IA même si comme le souligne Isabelle RYL, Vice-présidente en IA de l’Université PSL, « l’explosion de l’intelligence artificielle ait été beaucoup plus rapide que le temps universitaire » . A l’origine du rapport « IA : notre ambition pour la France », Isabelle RYL propose d’élargir l’enseignement de l’IA à tous les domaines, formant ainsi des professionnels capables d’utiliser l’IA dans leurs métiers respectifs en développant des formations intensives, des doubles licences, et des mineures en IA. Malgré la réticence de certains enseignants du supérieur face aux promesses technologiques et aux biais potentiels de l’IA, l’État incite fortement les universités à progresser sur l’intégration de l’IA dans les formations via les dispositifs des compétences et métiers d’avenir (CMA), répondant aux besoins des entreprises. L’État pourrait faciliter ces transformations en rendant les processus de modification des cursus plus rapides. Par ailleurs, interdire l’usage de l’IA dans les travaux des étudiants s’avère contre-productif, car les entreprises adaptent déjà leurs métiers à l’IA. Il est donc crucial d’apprendre aux étudiants à utiliser l’IA à bon escient et de restaurer leur esprit critique.
Pour l’heure et malgré la déferlante des IA génératives, le capital humain reste un avantage concurrentiel dans un monde du travail incertain et volatile. Il paraît même que les profils singuliers sont de plus en plus recherchés pour leur lecture atypique des problèmes.
Après les « soft skills », ce serait au tour des profils dotés de « mad skills » (compétences atypiques) à faire leur entrée tonitruante sur le marché de l’emploi et à contrecarrer les ambitieux desseins de l’IA. »
Après les « soft skills », ce serait au tour des profils dotés de « mad skills » (compétences atypiques) à faire leur entrée tonitruante sur le marché de l’emploi et à contrecarrer les ambitieux desseins de l’IA. »
Certains défendent même l’idée que l’intelligence autistique ou atypique serait l’intelligence de demain, celle qui, en tout cas, serait la plus complémentaire de l’intelligence artificielle. Les métiers amenés à perdurer reposeraient sur l’équation -cerveau, cœur et main-, c’est-à-dire l’intelligence, l’émotion, et le savoir-faire manuel. Mais pour combien de temps encore ? Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour saisir qu’au cours des prochaines décennies, au vu de la sophistication sans cesse croissante des systèmes d’IA, quantité d’emplois à haute compétence cognitive risque d’être surpassés par des technologies que nous pourrions qualifier de « la plus grande efficacité que nous-mêmes ».
Qui vivra verra…
Catherine SARACCO
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